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L’exil fiscal : ce raccourci honteux

Vous êtes français et vous vivez à l’étranger ?

Alors vous êtes un exilé fiscal aux yeux de la classe politique française. Dernier exemple en date : Olivier Faure (Député PS) qui va même jusqu’à parler de “voyous” qui ne font pas preuve de “Solidarité Nationale”. Au passage c’est toujours marrant de voir les politiques parler de Solidarité Nationale alors qu’ils bénéficient d’un régime de retraite ultra-favorable, ont de nombreux avantages et cumulent les mandats et indemnités.

Que vous soyez retraité, envoyé par votre entreprise ou encore entrepreneur, si vous avez choisit de vivre à l’étranger, c’est uniquement pour des raisons fiscales.

Ou tout du moins c’est ce que les hommes politiques, de gauche comme de droite, s’acharnent à faire passer comme message.

 

Un raccourci facile

Ce raccourci honteux, simplificateur à l’extrême, est très pratique pour la classe politique française. Il permet de réduire la raison des départs à l’étranger à la seule dimension fiscale. Les gens quittent la France pour payer moins d’impôts.

Simple à expliquer et surtout simple à comprendre, ce raccourci a l’avantage d’occulter les “autres” raisons qui poussent nos concitoyens à quitter la France.

Et surtout il permet, encore, de diviser les français entre les bons (ceux qui restent en France et payent leur impôts ou pas*) et les mauvais (ceux qui ont choisi de vivre en dehors de la France). Le but est de monter une partie de la population contre l’autre afin d’essayer de légitimer certaines réformes.

 

L’origine du mal

Car si l’exode des français est si problématique c’est parce que ce sont principalement les gens qui travaillent et qui payent des impôts qui partent. Pas ceux qui n’en payent pas.

D’où la naissance du mythe : français de l’étranger = exilé fiscal.

Les gens qui ne payent pas d’impôts partent également mais leur départ n’intéresse pas la classe politique : il n’y a pas d’argent à faire rentrer dans les caisses. Mais surtout l’existence même de ces français non-payeurs d’impôts qui partent (par exemple les jeunes diplômés) met à mal la théorie de l’exil fiscal.

(Source : 365data.fr)

Juste une hausse de 100% en 2 ans, rien de grave, bien sûr que la France est attractive pour les jeunes diplômés…

 

Explications

Le profil des français à l’étranger a largement évolué ces dernières années et les raisons qui poussent les français au départ sont nombreuses et variées. L’exil fiscal, si il existe, n’explique qu’une faible part des départs.

En occultant les autres raisons du départ à l’étranger, les hommes politiques esquivent les questions que posent cet exode : absence de débouchés pour les jeunes diplômés, difficultés administratives pour la création d’entreprise, corporatisme tout puissant (Taxis par exemple), pessimisme ambiant, rejet de la classe politique ou encore une meilleure qualité de vie dans d’autres pays.

La France propose une très bonne qualité de vie. Mais ce n’est pas le seul pays au monde où il fait bon vivre. Et les politiques ne peuvent pas imaginer que les français quittent la France pour des opportunités ailleurs.

Non.

Si vous quittez la France, c’est uniquement pour des raisons fiscales.

 

L’herbe est-elle plus verte ailleurs ?

Réduire l’exode des français à un exil fiscal c’est se tromper de combat et surtout c’est esquiver les vrais problèmes de la France d’aujourd’hui. Problèmes qui peuvent pousser certains compatriotes au départ.

Les politiques veulent forcer les français à payer des impôts sur leur citoyenneté : pourquoi pas ! Mais si l’objectif est de récupérer de l’argent alors cela va être difficile : les exilés fiscaux trouveront (encore) une parade et seuls les français lambdas seront assujettis.

Alors plutôt que de continuer à traiter les français de l’étranger “d’Exilés fiscaux” pourquoi ne pas essayer de rendre la France plus compétitive et attractive pour ses propres citoyens. Mais cela demande plus de courage et de travail que d’utiliser des raccourcis faciles qui assureront une bonne visibilité à leur auteur dans les médias.

 

Liberté de mouvement

Mais la bonne nouvelle c’est qu’en tant que français vous avez le choix : celui de voyager, tenter une expérience à l’étranger, vivre dans un autre pays, rencontrer de nouvelles cultures ou celui de rester en France.

Oui il y a un exode de français, oui ceux sont des français qui travaillent** (La France est le second pays au monde qui perd le plus de talents, juste après l’Inde) et non, ce ne sont pas que des exilés fiscaux.

Il n’y a pas de bons ou de mauvais choix, uniquement des choix personnels. Et réduire ces choix humains à une dimension purement fiscale est non seulement réducteur mais également hypocrite et dangereux.

 

Parce que si les français de l’étranger sont tous des voyous comme le souligne Olivier Faure, alors je serai tenté de lui demander ce que son collègue Jérôme Cahuzac est dans ce cas là***.

 

* Source Le Monde : Moins d’un foyer sur deux paie l’impôt sur le revenu en 2014

** Source Bloomberg & Linkedin : These are the countries attracting the world’s professionals

*** la lecture de la page Wikipédia de Jérôme Cahuzac est hallucinante : corruption, évasion fiscale, travail dissimulé, rayé de l’ordre des médecins… Mais il continue de toucher ses indemnités de ministre. Normal. Il faut bien payer l’appartement avenue de Breteuil, les cigares et sa collection de montres de luxe (La date limite pour payer vos impôts c’est le 15 Septembre).

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