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Vis ma vie de femme d’expat à Singapour

[Edit] Suite à l’article sur les “4 dangers qui guettent les nouveaux arrivants à Singapour” beaucoup de personnes m’ont fait remarqué que la section sur les naufrages de couples était très courte (ce qui est vrai).

J’ai  donc écrit cet article pour parler un peu d’un sujet tabou : les couples qui se séparent lors d’une expatriation.

Une expatriation c’est un changement, que vous le vouliez ou non. Vous passez d’une situation identique où les deux conjoints travaillent, et connaissent donc les avantages et inconvénients de cette position.

À une situation où une personne travaille en général beaucoup plus, alors que l’autre ne travaille pas. Il n’est pas rare que de cette nouvelle situation naisse des incompréhensions.

Et parfois, chacun arrive à envier la position de son conjoint. Sans pour autant comprendre la réalité derrière (stress d’être l’unique salaire du foyer, angoisse d’être isolée à la maison, peur de devoir parler d’argent alors que vous ne contribuez plus aux revenus du foyer, barrière de la langue,…).

L’article est écrit sur un ton léger et il ne faut pas y voir une volonté de nuire ou de se moquer. Donc ne montez pas sur vos grands chevaux et ne me vouez pas aux gémonies, je ne suis que le messager des Sybilles. (L’article en question est disponible ci-dessous).

 

Une situation de rêve ?

Ben voyons ! Pas de travail, une femme de ménage à temps complet, du temps libre pour s’occuper de ses passions, voir grandir ses enfants… Sur le papier, être une femme d’expat c’est fantastique, je vous l’assure.

D’ailleurs les femmes d’expat ont une vie superbe : afternoon tea, séances de Yoga, préparation des weekends,… Tous les trucs un peu pénibles étant sous-traités à la maid.

Les clichés ont la vie dure, et les femmes d’expat n’échappent pas à la règle…

D’ailleurs personne ne se plaint jamais d’être une femme d’expat. Bizarre non ? D’ailleurs, pourquoi les femmes d’expat ne se plaignent jamais ? Elles n’ont jamais de problèmes ou quoi ?

Ou alors comme Sue Ellen, elles souffrent en silence. Dallas, pardon, Singapour, ton univers impitoyable…

 

Interdiction de se plaindre

Tu ne peux pas te plaindre. Ce n’est pas possible. La simple évocation des malheurs de la femme d’expat déchaîne des passions (et surtout des commentaires réprobateurs dans les médias sociaux).

Même l’humour est interdit. L’ironie ? N’y penses même pas malheureuse ! Elle t’enverra directement en enfer (ou plus sûrement dans un article de Buzzfeed où des inconnus dans les commentaires souhaiteront que tu attrapes le cancer).

Remettons les choses dans le leur contexte : aux yeux du monde (ton mari, ta famille en métropole, tes amis restés en France, le lecteur du Straits Times,…) tu as une situation de rêve en théorie.

Mais de quoi alors se plaint la femme d’expat ?

 

La femme d’expat

Tout est dans le titre. Oui vous avez bien lu. FEMME D’EXPAT. Object propriété d’un expat ou plutôt “personne qui a perdue toute son individualité, jusqu’à son prénom”.

Tu n’existes que en tant que “Femme de”. Oublies les prénoms, les titres sur les business cards, les accolades sportives… Tout se réduit dorénavant à “Femme de”.

Maintenant tu n’est même plus une femme, mais une “Femme de”. C’était sympa de faire HEC, Sciences Po ou Polytechnique, de se battre pour se faire une place dans une société patriarcale… Pour finalement finir “Femme de” à 10,000km de la métropole.

Limite tu regrettes les surnoms un peu honteux que tu avais à l’école primaire.

 

Le travail (le beurre)

Pour le travail, ne pas se limiter aux oeuvres de charités, galeries d’Art, ou prof de Yoga… Avec la situation actuelle et un DP en poche il faut foncer pour une Letter of Consent (LOC).

Outre que les jobs en LOC couvrent beaucoup de domaines (et avec un peu de chance celui de ta profession en France), ils ont surtout l’avantage de ne pas être soumis aux quotas d’étrangers.

Evidemment il y a des désavantages : pas de temps complet, moins bien payés,… Mais c’est aussi et surtout le tremplin vers un potentiel job à temps plein si tu le souhaites. Et surtout une façon de garder contact avec le monde du travail.

Sinon tu peux aussi créer un business en ligne qui a une chance de fonctionner (et PAS un blog). Il y a beaucoup d’idées et de concepts qui font un tabac en France et qui gagneraient à être copié à Singapour (des business model éprouvés, comme ce qu’à fait TWG***).

Parce que rester avec les enfants toute la journée c’est sympa. Mais c’est aussi cool d’avoir une vraie conversation avec des adultes et des responsabilités dans un job. Surtout si tu veux retrouver un travail lors du retour en France.

Et non, donner des directives à sa maid ne compte pas comme “Expérience de management” (oui il y a des gens qui mettent ça, faut bien combler les vides).

 

L’argent (l’argent du beurre)

Souvent tu passes de femme active en pleine réussite qui a son propre compte, ses dépenses, son budget… à celui de personne dépendante d’un compte commun.

D’ailleurs c’est bien ce qu’il y a marqué sur ton visa “Dependent Pass” comme pour te rappeler que tu dépends du visa de ton maaaaaaaââââââaaale.

Le compte-courant c’est bien, mais tout est partagé et il est difficile parfois, dans certains couples, de communiquer autour de l’argent. Surtout quand c’est le salaire de l’un qui assure la survie du foyer communal.

Première mesure : ouvrir un compte avec ton DP chez DBS*, sans que Jules le sache. Pour avoir une certaine indépendance financière. Même si c’est pour ne mettre que 500$ dessus, il FAUT avoir une bouée de secours qui ne dépend pas de ton Jules. Juste au cas où…

 

Le sexe (le cul de la crémière)

Soyons honnêtes, débarquer en Asie après avoir vécue en France toute sa vie c’est découvrir un autre univers : celui où les asiatiques ne vieillissent jamais.

Franchement c’est injuste, j’ai l’air d’une mamie à côté des asiatiques. Cerise sur le gâteau, même après avoir eu des enfants elles restent minces. La vie est (trop) injuste.

Tu te souviendra longtemps de ce déjeuner en mode détente avec Jules en bas de sa tour à Raffles Place. Des centaines de petites “Office Ladies” avec des jupes plus courtes que celles que tu mettais à 18 ans pour aller en boîte de nuit.

Et elles ne transpirent même pas !

Et elles n’ont jamais eu à s’épiler !

Le combat est (largement) inégal face à cette combinaison “Nouveauté + Exotisme”.

Ne pas oublier, le Kama-Sutra est né en Asie. Et la certains de ces filles ont une flexibilité qui ferait passer les ex-gymnastes d’Europe de l’Est pour des robots sans articulations.

Alors évidemment pour motiver Jules le soir il faut sortir des trésors d’imagination pour rivaliser avec ce qu’il voit toute la journée (tout en espérant qu’il n’est pas attrapé la fièvre jaune). Où alors tu le coinces sur une p***** d’île déserte et tu lui fais comprendre qu’à part ça il n’y a rien à faire.

 

Une banalité qui fait des ravages

Ce qui est encore plus terrible dans cette situation c’est que le fait que TOUT LE MONDE trouve ça normal. Certaines femmes d’expat reproduisent ce schéma en se présentant en tant que tel “parce que c’est plus facile à retenir”.

Clairement : les gens qui ne font pas l’effort de retenir votre prénom et qui vous connaisse comme “La femme de” je ne suis pas sûr que cela vaille la peine d’entretenir des relations sociales avec.

Pire certains ne font même plus d’effort et vous devenez Madame Total, AirFrance ou Veolia. Ambiance.

Certaines sont ravies de ce titre inespéré, tel un titre de duchesse ou comtesse de l’ancien régime. Oui parce que la communauté française à Singapour ressemble beaucoup trop à la France d’ancien régime (et fonctionne beaucoup comme celle-ci).

 

Les efforts maladroits de Jules

Votre Jules voit très bien que votre vie n’est peut-être pas aussi excitante qu’en France et tente maladroitement de vous introduire des potentielles “relations sociales”

Le problème est un peu le même qu’avec les mariages arrangés : vous n’allez rencontrer que des personnes de la même classe sociale, de votre type (c’est à dire des expats caucasiens) et surtout qui plaise à votre Jules. Vive l’endogamie !

“Je vais te présenter la femme de Georges, je suis sûr que vous allez super bien vous entendre.”

Sous-entendu : je m’entends super bien avec mon pote Jejor donc obliger tu vas t’entendre avec sa femme. Ben voyons. Logique masculine imparable.

 

Faites vous vos ami(e)s sans l’aide de votre Jules.

Tout simplement parce que Jules, malgré sa bonne volonté, il ne peut PAS comprendre la situation. Pour lui tu vis une aventure forcément exceptionnelle et tu peux te consacrer à tes passions (genre poney et poterie yeaaaaaah).

Non pas que les amis de Jules ne soient pas intéressants, loin de là. Simplement parce que quoi que tu fasses, si c’est ton Jules qui t’introduit, l’étiquette “Femme de” est quasiment impossible à enlever.

Et surtout tu veux te  faire des amis qui sont “tes amis”. Et pas “les amis de Jules + toi” et qui vont aller rapportés tous vos gossips à leur Jules (et qui ne manqueront pas d’atterrir dans l’oreille de ton Jules, merci la vie privée).

 

Mais que faire ?

Arrêtes de rencontrer d’autres femmes d’expat. Bon évidemment c’est sympa de se retrouver avec des personnes qui ont les mêmes problèmes. Vous en rigolez, vous partagez vos anecdotes, vous vous soutenez…

STOP !

Le but c’est de sortir de cette condition de femme d’expat. Donc oui c’est sympa de voir d’autres “Femmes de”, mais saches-que tout le monde ne vit pas mal cette situation.

Et en restant entre femmes d’expats tu risques de renforcer cette étiquette (ce que certaines vivent très bien et n’hésitent pas à le rappeler qu’elles sont la “femme de” lors des réunions de parents au LFS***).

Rencontres du monde, surtout des gens qui sont locaux, qui créent leur business, qui ne sont pas toi… Bref des gens différents venant d’horizons divers et variés. Tu te feras certainement tes meilleur(e)s ami(e)s à Singapour en dehors de ta zone de confort.

 

Mais pourquoi cet article ?

Parce que la femme d’expat ne peut PAS se plaindre ;)

Comme d’habitude, je tiens à préciser que toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite. Surtout si vous vous sentez viser alors que vous ne m’avez jamais parlé.

Cet article est clairement parodique et ne reflète pas, mais alors pas du tout la réalité. Les femmes d’expat n’ont que des “First world problems”. C’est bien connu.

 

Evidemment tu pourras dire que Louis est super mal placé pour parler de ça.

Evidemment tu pourras dire que c’est parfois un choix

Evidemment tu pourras dire que c’est un problème de riches.

Et tu auras entièrement raison :)

 

Si vous voulez rire (ou pleurer, au choix), vous pouvez relire le Précis de conversation à Singapour et la pyramide des besoins de Maslow dans la Cité-Etat.

 

*Mieux vaut choisir une banque locale qui n’est PAS la banque de votre compte-courant. Pour info DBS et POSB c’est la même banque. 

**Franchement je vois pas pourquoi tout le monde crie au loup pour TWG. Le mec il a copié un concept (Mariage Frères) qui marchait dans un pays pour l’exporter en Asie en 2007 et c’est tout. Pendant ce temps là tout le monde vénère les clones d’Uber (GrabTaxi & cie) alors que ce n’est pas très différent.

***Ce moment gênant où les gens s’introduisent comme “Femme de” plutôt que “Maman de” dans les réunions du LFS. Du coup tu sais combien gagne son mari, où ils vivent, vont en vacances et quel est le modèle de leur voiture… Mais tu te demandes encore si ils ont une fille ou un garçon…

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