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Singapour, une ville de riches uniquement ?

La Suisse de l’Asie, le terrain de jeux des ultra-riches, une ville de millionnaires,… Les surnoms de Singapour font souvent référence à l’opulence de la Cite-Etat.

Pour le voyageur qui reste moins de 48h en ville, difficile de ne pas adhérer à cette image : alignements de magasins de luxe, hôtels 5*****, voitures de sports et badauds portant plusieurs milliers de dollars accrochés à leurs poignets sont légions dans le centre-ville.

Mais au-delà de cette apparente richesse, qu’en est-il de la majorité des habitants de l’île ? Ceux qui ne viennent que très peu au centre-ville, habitent et travaillent dans les heartlands et subissent des trajets en transports en communs toujours plus longs et pénibles…

Singapour est-elle réellement une ville où tout le monde est riche, ou plutôt une ville qui abrite une importante communauté de millionaires très visible ?

 

1- Les expats vivent dans une bulle

La majorité des français à Singapour vivent dans une bulle : ils sont riches et ne fréquentent que des gens de leur cercle social et niveau de revenu. Ils vivent dans des quartiers sympas (Bukit Timah, River Valley, Serangoon Garden Estate, Bishan, Tanjong Pagar, Tiong Bahru) et n’ont probablement jamais vu l’état des HDB à Yew Tee, Hougang ou Woodlands (d’ailleurs les français ignorent souvent où se trouvent ces endroits).

Les français de Singapour vivent à 90% en condo ou maison, leurs voisins sont souvent très riches (cf. tableau ci-dessous) ce qui peut donner la fausse impression que la plupart des habitants sont dans ce cas.

De surcroît, ils sont détenteurs d’EP (alors qu’il n’y a que 12% de détenteurs d’EP à Singapour sur 2 millions d’étrangers) et travaillent au CBD (l’équivalent de la Défense / Canary Wharf / la City). Là encore, il faut nuancer, l’EP est l’exception et non pas la règle à Singapour même si la majorité des français a un EP.

Evidemment tous les français ne sont pas dans ce cas, mais certains ne se rendent pas compte qu’ils vivent dans une bulle.  Ceci les conduit à avoir une image subjective de la vie à Singapour : celle d’une ville très confortable, certes chère, mais sûre et dont le seul défaut apparent est son ennui relatif qui est souvent compensé par des weekends à l’étranger.

 

2- Les indicateurs de revenus sont excellents

Les indicateurs de revenus de Singapour sur la richesse sont excellents, le nombre de foyers millionaires est le plus élevé au monde et aussi celui où il augmente le plus vite. Souvent cité en exemple, le fameux chiffre du Boston Consulting Group (15.5% de foyers millionaires en termes d’Assets Under Management) est repris dans de nombreux articles de Forbes à Business Insider.

Le revenu moyen du travail est également très élevé. Or ce que beaucoup oublient, c’est qu’il s’agit d’un moyenne et que la réalité est très différente : les inégalités sont très présentes dans la Cité-Etat.

Singapour affiche ainsi un des coefficients de Gini les plus élevés du monde parmi les pays développés (avec les Etats-Unis).

 

3- Le taux de propriétaires est élevé

90,5% des Singapouriens sont propriétaires de leur logement, un des taux les plus élevés du monde. La politique de construction de HDB (plus ou moins l’équivalent de nos HLM français) du gouvernement a très bien fonctionné, permettant à la majorité des citoyens d’accéder à la propriété (pour une durée de 99 ans, c’est du leasehold comme au Royaume-Uni).

Mais ce chiffre cache une autre réalité, le taux de propriété des HDB est très disparate en fonction de la taille du HDB.

Oui vous avez bien lu, seul 22% des Singapouriens vivant dans un HDB de 2 pièces sont propriétaires contre 97% des foyers vivant dans des 4 pièces et plus. De surcroît, la taille de votre HDB est très souvent proportionnel à celle de votre foyer.

C’est donc les foyers de taille réduite qui souvent ne sont pas propriétaires et doivent donc payer un loyer. C’est également dans les petits foyers que le revenu est le plus faible (moins de personnes, donc potentiellement moins de travailleurs, donc moins de revenus du travail).

 

4- Une société du paraitre

Parce que la ville a connue une réussite fulgurante, et aussi parce qu’il n’y a quasiment aucune petite délinquance, les habitants de Singapour ne sont pas franchement timides lorsqu’il s’agit d’étaler leur réussite.

Même si la ville est encore très loin du mauvais goût chinois (à lire: Inside the Bling Dynasty), il suffit de prendre les transports en communs ou de flâner dans le centre ville pour se rendre compte que les boutiques de luxe ont encore un avenir radieux dans la Cité-Etat.

Montres Suisses, sacs de marques, vêtements griffés, lunettes haut de gammes et smartphones derniers cris (les Singapouriens changent de téléphone tous les 9 mois en moyenne) sont l’uniforme du quidam à Singapour.

Dès lors difficile d’imaginer que certains ont dû mal à joindre les deux bouts… Mais attention, car ici ce n’est pas combien vous gagnez qui est important : le plus important c’est combien vous dépensez !

 

5- Les habitants vivent à crédit

Autre indicateur du fossé qui se creuse entre les riches et les pauvres, le nombre croissant de “Pawn Shop” (l’équivalent d’un prêteur sur gage). Leur nombre a doublé  passant de 114 à 214 boutiques entre 2008 et 2014. Et ils sont maintenant visibles dans toute l’île et même dans des endroits très commerçants comme Orchard (il y a un MoneyMax à Somerset).

De nombreux habitants à Singapour vivent à crédit, d’autres ont des problèmes de budgets, et en cas de souci, ils mettent leurs objets de valeurs en gage, un recours de plus en plus courant ces dernières années.

Les chiffres sont inquiétants : parmi les Singapouriens qui ont fait appel au Credit Counselling Singapore (CCS) pour un problème de dette, près de 43,000 doivent plus d’une année de salaire. Pire, la dette moyenne d’une personne qui fait appel au CCS est de 84,447 Singapore dollars (soit plus de 55,000 euros).

 

6- Les pauvres ne sont pas visibles

Les pauvres à Singapour sont cachés : la ville n’a officiellement pas de pauvres étant donné qu’il n’y a pas de seuil de pauvreté. La mendicité est interdite, mais vous pouvez souvent voir de nombreuses personnes âgées (voir très âgées) vendant des paquets de mouchoirs au food court pour 1$.

Les médias n’en parlent jamais dans les journaux ou la télé (à voir absolument : Growing Up with Less un documentaire web fait par des étudiants de NTU sur la pauvreté à Singapour). Il n’y a pas de ghettos comme en France, mais certains quartiers de la ville souffrent plus que d’autres.

Il n’y a quasiment aucune aide pour les familles monoparentale et les aides du gouvernement, si elles existent, sont parfois méconnues de la plupart des habitants de l’île.

En cachant les pauvres, Singapour s’assure que son image reste intacte mais en même temps crée du ressentiment au seing même de cette population qui a le sentiment de ne pas avoir droit de citer et qui a beaucoup souffert de l’arrivée massive des étrangers (pression sur les salaires, transports en commun bondés, hausse du coût de la vie,…).

 

Le mot de la fin

La réalité est très différente : sur les dix dernières années le gouvernement de Singapour a accordé la nationalité et le visa de Résident Permanent à de nombreux riches étrangers (par exemple à Eduardo Saverin, co-fondateur de Facebook).

De facto leurs revenus et capitaux entrent dorénavant dans le calcul de la richesse des habitants de l’île, faisant mécaniquement augmenter la moyenne. L’effet est de surcroît accentué par le fait que Singapour est un petit pays avec très peu de citoyens.

Certes le Singapourien n’est pas à plaindre et a vu ses conditions de vie s’améliorer. Néanmoins, la croissance très rapide de ces dernières années à bénéficier d’avantage à la minorité la plus riche, et surtout la plus visible de l’île.

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