Il y a quelques jours, Samantha Lo, plus connue sous le nom de skl0 (avec un zéro et pas un ‘o’) ou encore de Sticker Girl a été arrêté par la Police de Singapour pour vandalisme. Elle encourt jusqu’à 3 ans de prison, 2000$ d’amende mais pas de coups de bâton (Car c’est une femme, merci à Merichan dans les commentaires pour les précisions).
Qui est skl0 ?
Jusque là skl0 se contentait de coller des stickers plus ou moins humoristiques, notamment sur les boutons des feux rouges en ville. Rien de bien méchant. Elle a toujours fait ça ouvertement, son Tumblr est rempli de photos de ses oeuvres ou encore de son stock de stickers.
Son profil Facebook est ouvert et laisse voir une partie de ses très nombreuses activités. Bref Skl0 ne s’est jamais vraiment cachée et si la Police avait voulue l’arrêter avant, elle aurait pu le faire sans souci.
Défi ouvert
Oui mais voilà entre le 17 et le 21 mai, elle est passée à la vitesse supérieure. Outre les stickers elle a commencé à tagger sur les routes et sur les murs les messages suivants “My grandfather road” et “My grandfather building” à l’aide de peinture rouge ou de pochoirs façon Banksy. Et ça tout de suite ça passe beaucoup moins bien aux yeux des autorités.
Elle savait très bien qu’en se mettant à tagger des murs elle allait se faire arrêter. On est à Singapour, pas à Paris. Il y a déjà eu des précédents et il est impossible qu’elle ne soit pas au courant de ce qu’elle encourait.
Elle a décidé non seulement de tagger les murs et les sols mais également de prendre des photos pour les montrer sur son Tumblr, ce qui peut-être perçu comme un provocation ouverte vis-à-vis des autorités de l’île (sans compter le fait qu’elle ait taggé le sol devant le Ministère du Développement…)
Ce qui devait arriver arriva : le 3 juin, la Police est venue la chercher chez elle pour l’emmener en détention provisoire pour vandalisme suite à une plainte de la LTA. D’une certaine manière, Skl0 a forcé les autorités de l’île à agir.
Coup de projecteur ou coup de folie ?
Peut-être un mélange des deux pour attirer l’attention du monde sur ce qui se passe à Singapour. Honnêtement qui parmi vous s’est intéressé au travail de skl0 avant son arrestation ? La majorité des gens ne savent même pas qui est Sticker Girl même si tout le monde ou presque a déjà vu un de ses stickers.
A l’inverse d’un Post-it Guy, un autre artiste de Singapour, skl0 communique également sur sa personne et pas uniquement sur son travail. Elle ne cache pas ses influences, notamment le travail de Shepard Fairey (l’artiste derrière OBEY Giant et à qui on doit notamment l’affiche de campagne d’Obama : Hope) ou celui de Banksy.
Sincèrement, il est difficile de penser qu’il s’agit d’un coup de pub destiné à se faire connaître, même si cela a été prémédité. Il faut néanmoins s’interroger sur les motivations de skl0 concernant son coup d’éclat. Mais plutôt que de penser à un plan marketing, il faut plutôt y voir une façon d’interpeller l’opinion publique dans la Cité-Etat sur les rapports que les citoyens Singapouriens entretiennent avec l’autorité, la créativité et l’Art de manière générale.
Le choc des mots, le poids des photos
Actuellement une pétition est en cours (à voir ici) et le débat fait rage sur les forums et dans les commentaires des sites Singapouriens sur le sort que les autorités doivent réserver à la jeune artiste.
Les défenseurs de skl0 prônent la liberté d’expression et souhaitent voir les lois (et la société) évoluées à Singapour. D’autres rappellent que la loi est la même pour tout le monde et ne souhaitent pas ouvrir la boîte de Pandore au risque de voir la ville se couvrir de tags comme à Paris (n’oubliez pas que la limite entre Street Art et la dégradation du mobilier urbain est souvent affaire de point de vue très personnel). Dans tous les cas les avis sont très partagés.
Quelque part, arriver à susciter un tel débat, en un laps de temps aussi court, est déjà une victoire pour Skl0, si tant est que ce fût le but recherché. Espérons simplement que le débat ne restera pas sur un rythme binaire : Art contre vandalisme mais s’étendra à une discussion plus ouverte autour de l’Art, de la Censure et de la créativité à Singapour. Et d’ailleurs, qu’en pensez vous ? N’hésitez pas à donner votre avis dans les commentaires.
Photos issues du Tumblr, du Pinterest et du Facebook de Skl0. Vous pouvez également imprimer et coller les stickers de skl0 en vous rendant ici (La Police a déjà prévenue qu’elle ne ferait preuve d’aucune clémence si vous ‘rendez hommage’ à skl0 en collant ses stickers dans les rues).
Juste un détail, comme c’est une femme quoi qu’en disent un certain nombre de médias étrangers, elle ne risque pas les coups de cannes.
A Singapour – c’est pas le cas chez nos voisins qui peuvent prononcer des coups de canne pour les femmes raison sans doute de la confusion- les coups de cannes ne sont prononcés que pour les hommes de moins de 50 ans, sans condition médicale.
Pas le temps de trouver une référence en français:
http://en.wikipedia.org/wiki/Caning_in_Singapore
Merci Merichan pour les précisions, je viens d’éditer l’article :)
L’idée est très bonne, étant personnellement un fan de street art je ne peux qu’encourager cette initiative. En revanche elle savait pertinemment qu’elle allait se faire arrêter, alors certes il est important de montrer que Singapour reste une ville relativement fermé concernant l’art (cela dit Londres a aussi effacé le très connu “Nation Under CCTV” de Banksy) mais je ne pense pas que cela change grand chose. Aucun gouvernement n’acceptera le street art car cela inclurait tout type de tag et je ne pense pas que qui que ce soit ne soit disposer à autoriser “Suck my **** sur le mur de son condo.
Effectivement, si le gouvernement ne fait rien, cela équivaut à ouvrir la boîte de Pandore… Singapour est connue pour avoir des lois strictes et surtout pour les faire appliquer à la lettre.
Je crois que tu résumes très bien en disant que la Police ne ferait preuve d’aucune clémence. Singapour est un état (très ?) policier, avec une mentalité sécuritaire : si on laisse passer ça, alors c’est la pente descendente, la fin de la civilisation telle qu’on la connait, etc.
C’est assez irréconciliable avec l’art cette manière de considérer que la censure est justifiée moralement à mon avis.
Singapour est un état où les règles sont claires ET appliquées. Cela paraît simple à dire mais en pratique cela demande une sévérité extrème à tous les niveaux (aucune tolérance et aucune corruption), d’autant que la loi est la même pour tout le monde (alors qu’en France ce n’est pas vraiment le cas, il suffit de regarder nos politiques).
au hasard de la revue de presse, je viens de voir que le verdict est tombé pour cette affaire-ci aussi…
Elle a écopé de travaux d’intérêts généraux, elle échappe à l’amende et à la prison ferme.
Merci pour la mise à jour Merichan ! Comme quoi finalement elle a pas écopé de grand chose :)