La pauvreté n’existe pas à Singapour ?
En théorie il n’y a pas de pauvres à Singapour. En effet le gouvernement de la Cité-Etat n’a pas établit de seuil de pauvreté et n’a jamais pris en compte les standards internationaux en la matière.
Dans la pratique, et comme dans tous les pays, il y a des inégalités. Et les personnes, qui se retrouvent en bas de l’échelle des revenus, seraient sans doute considérer comme “pauvres” dans d’autres pays.
L’absence d’un seuil de pauvreté n’empêche pas pour autant le gouvernement de prendre des mesures pour aider les foyers les plus défavorisés. Et ce dans une approche adaptée à chaque situation plutôt que sur des règles générales basées uniquement sur le revenu (ou autre).
Certains soulignent que cette approche est faîte pour éviter de stigmatiser une population déjà en souffrance. D’autres dénoncent au contraire cette absence, et y voient un déni de la situation actuelle.
Pourquoi la pauvreté n’est pas connue ?
Tout d’abord parce que les expats, français ou non, ont plutôt tendance à vivre dans une bulle. La majorité des expats vit en condo, dispose de revenus supérieurs à la moyenne et voyage beaucoup plus que l’habitant moyen de la Cité-Etat.
Chaque ville met en avant ses meilleurs aspects et passent les autres sous silence. C’est normal. Paris est en le meilleur exemple et Singapour n’échappe pas à la règle.
L’image que la ville de Singapour renvoie est celle d’une ville de riches uniquement. Il faut dire que les photos de la piscine du Marina Bay Sands déclencheront beaucoup plus de Like sur Facebook que celles des HDB de Bukit Batok (d’ailleurs combien de français savent ou se situe Bukit Batok ?)
A leur décharge, il faut dire qu’il n’y a AUCUNE raison d’aller à Bukit Batok. Le plan d’urbanisation de l’île a crée des zones résidentielles (comprendre cité dortoir) et des zones d’activités dédiées. Zones qui ne se mélangent que très rarement.
Du coup, si vous ne vivez pas dans ces endroits, vous n’avez aucune raison d’y aller (sauf à aller voir des amis qui y habitent). Et la majorité des gens qui viennent à Singapour ne verront jamais l’alignement des tours de bétons de Yew Tee ou Marsiling.
Pourquoi la pauvreté est invisible ?
Elle est invisible car elle est criminalisée (interdiction de faire la manche, de dormir dans la rue,…). Elle est également invisible dans les médias et les gens en parlent peu.
La pauvreté est sujet tabou dans une ville où l’argent est devenu le mètre-étalon de la réussite
La Cité-Etat dispose bien de systèmes de protections et de travailleurs sociaux. De surcroît de nombreuses associations (religieuses ou non) viennent en aident notamment aux personnes âgées ou défavorisées.
Cependant à Singapour, les gens préfèrent ne pas y avoir recours / ne disent pas qu’ils y ont recours. Ils préfèrent aller chez des prêteurs sur gage plutôt que d’avouer leurs difficultés (le nombre de prêteurs sur gages est passé de 114 à 214 entre 2008 et 2014).
Pourquoi la pauvreté est tabou ?
Pourquoi cette réticence? Parce que le concept de “face” en Asie est très important. Les problèmes financiers se règlent en interne et si possible sans mettre au courant le reste de la famille, ou pire, les voisins (car en HDB, tout se sait).
Ce qui rend encore plus compliquée les situations de pauvreté. De nombreuses personnes ne souhaitent pas recevoir de l’aide (ou tout du moins ne souhaite pas que cela se sache).
Sans compter que la pauvreté touche aussi les personnes les plus âgées qui se retrouvent à devoir travailler dans des jobs peu qualifiés car leur retraite n’est pas suffisante.
Il suffit de se rendre dans n’importe quel food court ou centre commercial pour voir travailler des personnes de plus de 80 ans.
Le problème des retraites
Il faut savoir que le CPF (la retraite à Singapour) est relativement faible. Et jusqu’à récemment cela ne posait pas de souci : par tradition il existe un transfert d’argent entre les enfants et parents.
Une fois que les enfants travaillent, ils versent une partie de leur salaire à leur parents (ce qui a pour effet de compléter une retraite). Cette tradition très asiatique existe car plusieurs générations cohabitent sous un même toit*.
Mais les liens familiaux ne sont plus ce qu’ils étaient. A Singapour, cette tradition commence à disparaître ce qui pose certains problèmes (sans compter les foyers sans enfants).
C’est pourquoi de nombreux Singapouriens réclament une révision du CPF afin de l’adapter aux moeurs d’aujourd’hui. Problème qui fait écho à la réforme des retraites en France (système crée à une autre époque et qu’il faut sans doute adapter ou revoir).
Pour conclure
La pauvreté existe à Singapour, elle n’est pas forcément visible, mais elle existe bel et bien.
Il ne fait jamais bon d’être pauvre peu importe le pays. Cependant les pauvres à Singapour sont sans doute dans une situation très différentes qu’en France ou aux Etats-Unis.
Le gouvernement de Singapour a choisit une approche au cas par cas plutôt qu’un baromètre général. Cela est cohérent avec le reste de la politique de la Cité-Etat.
Singapour a toujours choisit une approche pragmatique. Et la pauvreté n’échappe pas à la règle.
Il serait mal venu de critiquer ce système juste parce qu’il est différent. Il a le mérite d’exister et de proposer une alternative.
Mais il faut garder à l’esprit que ce qui marche dans une Cité-Etat de 5 millions d’habitants ne résistera peut-être pas au changement d’échelle (que ce soit un pays plus peuplé ou beaucoup plus grand).
*A lire absolument : “Quatre générations sous un même toit” de Lao She
Un de mes collegues Sgp, mexpliquait egalement qu’une des raisons de cette aide au “cas par cas” etait un moyen 1)de la limiter, car comme explique dans l’article, peu de Sgp souhaitent etaler leur vie et demander de l’aide, cependant l’ensemble du HDB va etre mis au courant si vous obtenez des aides, 2)De garder le controle sur les aides potentielles, sans en faire des “droits” relatifs aux ressources.
Bonsoir Yaya, merci pour le message. La relation et surtout la perception des “aides” est très différente de ce que l’on peut connaître en France effectivement !
et d’aucun diront aussi que les avenues pour avoir ces aides ne sont pas des administrations, mais des émanations du PAP.